Ce n'est que progressivement que j'ai pu reconstituer certains aspects déterminants de mon histoire. Je pensais avoir surtout souffert de la relation très fusionnelle de ma mère avec moi. Elle était omniprésente, omnisciente, connaissait toutes mes pensées, me voulait dans son lit quand mon père n'était pas là.
Puis, à partir de mon adolescence, elle a procédé à un matraquage systématique de mes goûts, désirs, tentatives et tentations, si fragiles à cet âge ! Hormis lorsque mes désirs coïncidaient avec les siens (réussir mes études), rien de ce que j'exprimais et désirais n'était acceptable à ses yeux.
A faire cela, elle a failli avoir ma peau ou du moins ma raison.
Mais depuis quelques temps, je vois autre chose ...
Ma mère était orpheline de père à un an. Sa mère, peu tendre, a mis sa fille en nourrice puis en pension, de 3 à 12 ans. L'enfer, la séparation et peut-être même la rencontre avec la pédophilie. De retour au foyer, ma mère décide que jamais elle ne quittera sa mère. Entre 20 et 30 ans, très jolie fille, elle refuse plusieurs demandes en mariage, des beaux partis, comme on dit. "Je ne quitterai pas maman !"
Elle rencontre mon père, elle lui plaît, il lui fait la cour et, finaud, fait aussi la cour à la mère en venant passer ses soirées chez sa belle. Il la demande en mariage, elle refuse : "Jamais je ne quitterai maman !" La mère regrette : "Jamais je n'aurai un aussi bon gendre !" Du coup, ma mère rattrape le "coup" et accepte le mariage à une condition, vivre chez maman. Elle a donc épousé le gendre rêvé de sa mère.
J'ai toujours su que ma mère était dépressive. mais je l'avais un peu oublié, tant son agressivité envers moi en faisait une combattante. Je sais que, nourrisson, je refusais le biberon avec elle, mais l'acceptais de mon père ... et de la voisine. Et puis, récemment, j'ai retrouvé l'album de bébé et constaté que seul mon père l'avait tenu, très assidument, jusqu'à mes 2 ans. Cela a été un révélateur. Elle ne pouvait pas s'occuper de moi. Il faut qu'une mère aille très mal pour qu'un nourrisson refuse de téter !
Je pense donc qu'après ma naissance, ma mère a vécu une dépression violente ; compréhensible, d'ailleurs, pour elle qui voulait rester fille et non devenir mère, qui ne voulait probablement que réparer le lien douloureux avec sa propre mère et qui se retrouvait lui avoir fait un enfant dans le dos.
J'ai donc probablement vécu un sentiment d'abandon terrible durant mes premiers mois de vie. Qui est revenu de temps à autre sous forme de dépression ou d'angoisse, mais a surtout structuré certains aspects de ma personnalité.
Lors de mes 5 ans, une deuxième grossesse est arrivée, au grand dam de ma grand-mère, qui n'en voulait pas. Croyez-le ou non, ma mère a accouché d'un enfant mort-né. Cet enfant, elle qui peignait, elle en a représenté le squelette toute sa vie durant, comme ça ...
ou comme ça ... Ce thème était omniprésent dans ses toiles, elle l'avait choisi pour en faire des affiches, des cartes de correspondances ...
Les dents de la mère |
Petite, elle m'adorait, disait-elle. Tellement, qu'elle a failli nous "suicider" quand j'ai eu ma première otite, croyant que c'était une méningite et que j'allais rester débile. L'arrivée opportune de mon père nous a sauvées.
Plus grande, mes résultats scolaires résonnaient pour elle comme un hymne à sa maternité, la preuve qu'elle était la meilleure des mères. La pauvre, elle devait tellement en douter au fond d'elle-même. J'étais soudée à elle, alors, glorifiée, légitimée par mes notes, peu autorisée à d'autres plaisirs, pas de coquetteries, peu de jeux, peu de camarades, pas d'amis ; ma seule liberté, si précieuse, était la lecture.
Mais progressivement, alors que je devenais adolescente, cette mère sévère, comptable dans ses largesses, mais juste, tout juste, est devenue un poulpe, une ogresse, une mère cannibale, une terroriste, un cauchemar.
Interdite de féminité, j'avais toujours la permission d'obtenir des succès intellectuels. Mais comment grandir, quand tous les désirs sont la cible de la jalousie destructrice la plus intense ?
Mes parents ont tenu ainsi chez ma grand-mère jusqu'à mes 8 ans. Puis, nous avons déménagé. J'ai vécu alors une dépression, en écho à celle de ma mère, elle-même "orpheline" de sa mère et qui revivait probablement cet abandon initial.
Cette pauvre femme a donc flotté toute sa vie durant entre son désir de normalité sociale (devenir mère), le deuil de son enfant mort et son désir de tuer ses enfants pour se retrouver l'enfant chérie de sa propre mère.
Une fausse couche, un enfant mort-né, et moi, qui ai survécu, malgré tout !
Il m'aura fallu un long travail sur moi pour m'extirper de ses souhaits de mort (physique, lorsque j'étais bébé, psychique, pendant mon adolescence) à mon égard.
Mais que l'on ne se méprenne pas, j'ai de la tendresse pour cette mère incompétente, disqualifiée et disqualifiante, car elle a été aussi l'enfant mort de quelqu'un ... Comme j'ai de la tendresse pour ces enfants qui sont parvenus à survivre malgré tout. Survivre ... jusqu'à ce qu'un évènement particulier, douloureux ou intense, les amène à s'interroger ... Pourquoi ai-je tant de mal à vivre ?
Couleurs de Toussaint
La période de la Toussaint est l'occasion que nous donne la société de penser à nos morts et par conséquent à notre propre mort, issue fatale que nous essayons d'oublier tout le reste de l'année, tant cette pensée nous est insupportable.
Cela m'amène donc à partager avec vous ce que je constate couramment auprès des personnes que j'accompagne dans leur travail sur soi. Quelle que soit la raison qui les a amenées à s'interroger sur leur vie et les ont fait pousser la porte du bureau d'un psy (j'en parle dans ce site http://sylvieprotassieff.blogspot.fr/p/aller-voir-un-psy.html ...) nombreux sont ceux qui découvrent au cours de ce travail une angoisse terrible à l'idée de leur mort, panne définitive et irrémédiable, irreprésentable, horreur absolue.
Alors, puisque c'est le moment, voici quelques images pour accompagner cette évocation.
Images et pensées insoutenables ? Oui, certainement, mais combien salutaires pour donner un sens à sa vie !
Et au moment de la Toussaint, je me tourne vers la terre, pour y trouver encore des feuilles, qui seront bientôt coupées en signe de deuil mais nous reviendront plus tard en signe de vie, des fruits qui pendent aux arbres et aux arbustes, vestiges de la fécondité du dernier printemps et espoirs du prochain.
Et si le ciel est bleu, l'air se parfume de feux de bois, de tourbe, de végétaux décomposés, de moisissures ...
Fatigue - Angoisse
Sans préavis, tout à coup la fatigue survient, une grande fuite d’énergie. Comme si la vie s’écoulait par un orifice invisible, comme si un raccordement indispensable était débranché pour se maintenir en fonctionnement …
Avant de démarrer un travail sur soi, on est encore piloté de l’intérieur par des forces conflictuelles que l'on ne comprend pas, sur lesquelles on n'a aucun moyen d’action.
Mouvements incompréhensibles qui se font la guerre en soi, dans des moments où l'on ne parvient pas à gérer harmonieusement les évènements de la vie quotidienne.
Mouvements incompréhensibles qui se font la guerre en soi, dans des moments où l'on ne parvient pas à gérer harmonieusement les évènements de la vie quotidienne.
Lorsque le travail sur soi a commencé, on peut analyser ces moments : toujours causés par une situation souvent très banale, mais qui provoque un conflit intérieur.
Là où c’est compliqué et invivable, c’est que les désirs peuvent être tout aussi simples et acceptables que réussir dans une activité professionnelle, s’engager dans la vie publique, aller au cinéma, mais qu’ils sont intriqués avec d’autres désirs : plaire, séduire, jouir, qui ceux-là sont formellement interdits.
Là où c’est compliqué et invivable, c’est que les désirs peuvent être tout aussi simples et acceptables que réussir dans une activité professionnelle, s’engager dans la vie publique, aller au cinéma, mais qu’ils sont intriqués avec d’autres désirs : plaire, séduire, jouir, qui ceux-là sont formellement interdits.